Au-delà de la colline Est de Saïsha retentirent le son de cent trompettes, cuivres et cors. Un son clair, magnifique, qui contenait une puissance impressionnante, un hymne guerrier à la victoire. En l’entendant, tout le monde se figea. Il se passait de drôles de choses dans la cité de toutes les magies, mais c’était la première fois que cela arrivait. Surpris, les passants se tournèrent vers la route des caravanes, fermée deux heures plus tôt par les gardemages. Ce qu’ils virent en premier furent les drapeaux, les immenses bannières ornées d’un soleil surmonté d’une couronne sur fond blanc, les étendards représentant un cristal aux couleurs des comtes (vert pour celui de jade, noir pour celui d’onyx, jaune pour le topaze, bleu pour l’agate et orange pour l’opale), les fanions jaunes et blancs du Royaume des Cinq Joyaux. Puis, lentement, apparurent à la crête de la colline les six resplendissants souverains des cinq joyaux dans leurs armures rutilantes, suivis des porte-étendards et de la garde d’honneur : une vingtaine de membres de l’Ordre du Sanglier Rouge, les chevaliers les plus puissants et les plus vertueux du royaume. Ensuite vinrent les représentants du clergé : deux inquisiteurs et une dizaine de prêtres tous vêtus de blanc et de jaune, ainsi qu‘un dizaine de fantassins d’élite de la Légion Solaire. Ensuite, les musiciens, au moins une cinquantaine. Enfin, suivant de loin, une cinquantaine de soldats à pied et de valets transportant avec eux les charrettes pleines de tentes, de matériel en tout genre et de provisions.
Toute cette équipé s’arrêta net lorsque le roi leva le bras. Tous s’immobilisèrent, le silence se fit. Quelques murmures se firent entendre du côté de la ville : que faisait le souverain des cinq joyaux ici ? Tout le monde se demandait la raison de cette venue. Puis, rompant l’immobilité qui s’était installée, un homme se déplaça, seul, en direction des nouveaux arrivants. Plutôt vieux, assez frêle, mais assez grand, il portait une longue robe de mage blanche et violette, richement décorée : Noshiro, l’Archimage de Saïsha, marchait calmement vers eux. Le roi et les comtes mirent pied à terre et se disposèrent en ligne. Arrivé à leur hauteur, dans un silence religieux de tous les environs, les six souverains s’inclinèrent devant l’Archimage, respectueusement. Ils se redressèrent, puis ce dernier s’inclina à son tour, mais légèrement moins bas. Ils échangèrent quelques paroles, puis au bout de cinq minutes ils se saluèrent de nouveau et Noshiro repartit en direction de la cité, la démarche rapide, le visage neutre. Plusieurs personnes l’interpelèrent : « Monseigneur, pourquoi sont-ils ici ? Monseigneur, que cela signifie-t-il ? » Il leur répondit que ces chevaliers étaient là pour des négociations sans ralentir sa marche. Du côté de la délégation des cinq joyaux, toute la troupe demeura un instant immobile alors que le roi discutait avec les commandants des différents corps. Puis ces derniers revinrent vers leurs hommes, crièrent des ordres, et toute la troupe s’ébranla. Elle se dirigea vers une zone inoccupée de la zone de résidence temporaire et commença à s’y installer.
En un temps record, les valets avaient dressé les tentes hautes en couleurs des nobles, et les soldats avaient efficacement installé les leur. Deux heures plus tard, le camp était créé : on pouvaient ainsi voir de très loin ce nouvel amas très ordonné de centaines de tentes, un océan blanc et gris parsemé ça et là d’étendards et de fanions, au centre duquel resplendissaient une douzaine de superbes chapiteaux très colorés, qui contrastait avec la disposition plutôt chaotique de la cité.